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En démocratie, on est en droit d’attendre des médias l’indépendance à l’égard de toute forme de pouvoir, une information sur les faits importants et significatifs de la société et du monde, et une contribution au développement de la culture, notamment politique. Qu’en est-il réellement ? Dans le « Classement mondial de la liberté de la presse » de Reporters Sans Frontières, prenant en compte « le pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence et la qualité des infrastructures soutenant la production de l’information », la France occupait la 11e place en 2002. Elle est 45e en 2016… Cette inquiétante régression est avant tout due au fait que les propriétaires des grands groupes médiatiques français ont de plus en plus souvent des intérêts non médiatiques (notamment politiques) « qui font peser une menace sur l’indépendance éditoriale », dit RSF. Les amitiés parfois revendiquées entre patrons de presse et hommes politiques nous questionnent elles aussi sur l’indépendance de certains médias. Par ailleurs les médias, en tant qu’entreprises dans un marché concurrentiel, sont gouvernés avant tout par la recherche du taux d’audience ou de lectorat. D’où, chez nombre d’entre eux, la course au sensationnel. Mais que faire quand ce dernier vient à manquer ? Le fabriquer, par la dramatisation par exemple : une bagarre entre deux groupes de jeunes devient ainsi le symbole du « choc des civilisations », et on se dispense alors de donner à penser sur ce prétendu choc.

Les amitiés entre patrons de presse et hommes politiques nous questionnent

C’est le sens de l’analyse que Pierre Bourdieu a livrée en 1996 sur un média de première importance, la télévision : « en mettant l’accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques. » Les faits divers font ainsi « diversion », ajoute-t-il. Cette diversion peut certes venir des responsables politiques eux-mêmes, comme lorsqu’une tenue de bain (dont le nom suggère, à tort, une parenté avec la burqa) devient porteuse d’un « projet politique » ! Mieux que personne, les dirigeants politiques savent que quand on parle du burkini, on ne parle pas d’autre chose… Plus globalement, les médias apportent-ils aux citoyens la culture nécessaire pour que leurs choix (ou leur refus de choix) électoraux soient éclairés ? Cette culture devrait au minimum passer par des débats contradictoires, condition essentielle de toute démocratie. Or en économie par exemple, les courants de pensée « hétérodoxes », comme ceux qui mettent en doute l’idéologie de la croissance (c’est-à-dire l’augmentation indéfinie de la production et de la consommation) comme seule voie de salut pour nos sociétés, sont très largement absents des débats. On le voit, les grands médias, sont donc loin de jouer le rôle politique qui devrait être le leur dans une démocratie digne de ce nom.

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