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En pleine campagne, Gilles Verdez pose une vraie question : « Tous menteurs ? »

Gilles Verdez, un nom bien connu des fans de Cyril Hanouna. En effet, celui qui a été le rédacteur en chef du Parisien et l’auteur d’une biographie remarquée de l’ancien premier ministre (« Le Conquistador, Manuel Valls, les secrets d’un destin » ed.du Moment), est également membre de l’équipe de chroniqueurs de TPMP sur C8 … Il publie en pleine campagne présidentielle un brûlot qui attaque la classe politique : « Les comportements doivent changer », nous confie t-il. Il a accordé une interview à PR.

 

Politic Région : En lisant votre essai, on en ressort en se disant que notre classe politique n’a plus de « corpus idéologique ». Est-ce également la conclusion que vous donnez à votre travail ?

Gilles Verdez : Je suis en effet étonné de l’opportunisme et du manque de colonne vertébrale de nos politiques. Ils sont en fait à la remorque de la société. A la remorque, et dans la structuration de la pensée, et dans la vision. Ils n’arrivent plus à élever le débat, ils ne font que suivre l’actualité. Pire, ils la subisse. Du coup, ils sont toujours prêts à se contredire car ils sentent bien qu’il ne sont plus en phase … Je suis assez sévère avec eux à ce niveau-là.

 

PR : Sortir un tel livre dans le contexte actuel de défiance entre la classe politique et les citoyens, n’est-ce pas ajouter de l’huile sur le feu ?

GV : Je m’adresse avec ce livre aux jeunes, aux passionnés de la politique, qui continuent de s’intéresser à la Politique avec un grand « P ». Il s’agit de dresser collectivement le constat que notre classe politique n’est pas au niveau … Vous savez les électeurs sont tout à fait capables d’entendre la vérité, d’entendre qu’il y a des problèmes majeurs et qu’il faut réformer ! Or, mon travail décortique le fait que nos politiques s’évertuent à être sur de vieux fonds de commerce pour être élus. Qu’ils continuent à dire tout et son contraire pour arriver à leurs fins. Et ce constat est d’ailleurs finalement plein d’optimisme, car je suis persuadé qu’on va les obliger à évoluer … On l’a vu avec l’Affaire Cahuzac, et on le voit avec l’Affaire Fillon aujourd’hui. Tous ceux qui vont continuer à enrober les choses en mentant ou se contredisant seront de toute façon évincés. Ce livre est aussi un message vis-à-vis des politiques : « Il est encore temps, mais faîtes vite ! »

 

PR : On note dans votre livre que les thèmes sur lesquels les politiques se contredisent beaucoup sont bien souvent ceux que l’on peut qualifier de tabous (vote des étrangers aux élections locales, déchéance de nationalité, dépénalisation du cannabis, cumul des mandats) …

GV : C’est vrai que ce sont des sujets que les politiques détestent aborder, sauf en période électorale ou l’on ressort toutes les vieilles inepties. De belles promesses à chaque fois pour des sujets que les politiques jugent toujours trop épineux dans l’exercice du pouvoir. S’ils ne veulent pas les traiter, je leur demande juste alors de ne pas nous en parler avant … C’est le minimum de considération que l’on doit avoir pour l’électeur. Regardez par exemple la cacophonie qu’il y a au PS sur la question du cannabis, c’est juste hallucinant. Il faut quand même pouvoir avancer dans les débats, trancher sur les vrais sujets, avec pour finalité de donner un nouvel élan à notre pays.

 

On ne peut pas dire que les rédactions font forcément preuve de clairvoyance durant cette campagne présidentielle

 

PR : La classe politique a aujourd’hui beaucoup de mal à contrer l’avancée de Marine Le Pen, or dans votre livre vous donnez beaucoup d’arguments pour le faire sur des sujets comme l’euro, le droit de manifester, le gaz de schiste ou l’avortement …

GV : C’est vrai que je trouve, et on l’a encore vu récemment dans L’ « Émission politique » de France 2 avec le débat entre Marine Le Pen et Najat Vallaud-Belkacem, que dès qu’on attaque le FN cela se fait sur fond d’invectives, avec une contradiction souvent cacophonique. On n’écoute pas assez ce qu’il dit, et on ne l’attaque que trop rarement sur ses contradictions. Tout cela est contre-productif. Vous savez au FN les mensonges sont toujours habilement masqués, et ils sont dans la plupart des cas familiaux. J’en viens d’ailleurs à me demander si les oppositions entre Marine Le Pen et son père, entre Florian Philippot et Marion Maréchal Le Pen ne sont pas calculées. Y a t-il réellement des oppositions entre ces gens-là ? Pas certain. N’est-ce pas une stratégie pour faire apparaître Marine Le Pen au-dessus de tout le monde, au dessus des partis ? La question se pose avec acuité. Une chose est en effet certaine, le FN n’est pas assez attaqué sur ses points faibles.

 

PR : Vous parlez finalement assez peu d’Emmanuel Macron dans cet ouvrage, et pas du tout de Benoît Hamon. Pour quelles raisons ?

GV : Concernant Emmanuel Macron c’est simplement le fait qu’il a finalement assez peu pris d’engagements depuis qu’il est entré en politique. Il s’exprime en fait sur sa propre valeur programmatique : Pourquoi je suis là, ce que je veux pour la France … C’est un hymne à la République, mais il n’y a pas encore de propositions concrètes. En revanche, Benoît Hamon a fait beaucoup de propositions et j’avoue ne pas avoir relevé de contradictions dans son discours. J’aimerais d’ailleurs en trouver une, car je ne suis ni pro ni anti Hamon. Je constate simplement que son approche politique est différente des autres. Le côté « il n’y a d’homme providentiel » revendiqué est assez intéressant sur le fond. J’attends d’ailleurs avec impatience la suite de la campagne car son discours colle finalement au contexte actuel … C’est l’inverse de ce qui s’est toujours fait en France, ou l’élection présidentielle se présente depuis des décennies comme justement une quête à l’homme providentiel.

 

PR : Vous enseignez également dans une école de journalisme (techniques de l’écriture journalistique). Cette profession est montrée du doigt à l’instar de la classe politique. Est-ce justifié ?

GV : Oui car avec la montée en puissance d’internet et des réseaux sociaux, tout le monde est citoyen, tout le monde a un jugement sur tout, tout le monde est journaliste. Ce constat doit être mis en perspective avec le fait que les journalistes ne sont pas non plus irréprochables … Ces derniers temps les journalistes ont trop suivi le lobby sondagier, en nous annonçant Juppé vainqueur à droite, et en n’ayant observé à gauche la vague Hamon qu’au dernier moment. On ne peut pas dire que les rédactions font forcément preuve de clairvoyance durant cette campagne présidentielle. On a du mal à retranscrire, à sentir, les mutations qui sont en train de s’opérer. Globalement, je pense donc que notre profession doit se remettre en question. C’est pour cela que j’essaie toujours dans mon approche de me mettre du côté du peuple.

 

PR : Prof en école de journalisme, spécialiste de la vie politique, biographe de Manuel Valls, éditorialiste foot, membre de la team Hanouna sur C8, qui est donc Gilles Verdez ?

GV : J’essaie de montrer qu’en ayant eu un parcours de hautes études assez classique, on peut faire de multiples choses sans être toujours du côté des élites. On peut adapter son langage, sa posture, pour être compris du plus grand nombre. Faire du populaire n’a jamais été une insulte pour moi, et j’essaie toujours de faire cohabiter intelligence et divertissement. Rien n’est incompatible.

 

 

Un essai qui nous permet de prendre du recul sur la campagne

 

C’est un travail de titan dans lequel s’est lancé Gilles Verdez. L’auteur a en effet sélectionné de grandes thématiques sur lesquelles nos politiques ont dit tout et son contraire. L’immigration, la politique étrangère, le chômage, l’environnement, le référendum … Tout y passe ou presque. Pour chaque thème des citations, donc contradictoires, d’un même personnage politique, avec en face une analyse froide de l’essayiste. Dans certains cas cela donne le tournis. Un exemple parmi d’autres plutôt saisissant. Le 17 février 2015, Jean-Luc Mélenchon s’exprime concernant la motion de censure de la loi Macron : « La seule façon de bloquer la loi et de faire cesser le chantage comme méthode de gouvernement, c’est de voter la censure. Soit celle déposée par la droite (…), soit en en déposant une autre, de gauche (…) » Dès le lendemain, changement de ton de l’intéressé : « Moi, je n’aurais pas fait ça (…). D’abord, parce qu’il n’y a aucune chance que cette motion passe. Qu’est-ce qu’on va aller se fourrer avec la droite ? » Cela donne le vertige, non ? Autre exemple, celui de Laurent Wauquiez sur l’Europe. Le 26 juin 2011, l’actuel président de la région Auvergne- Rhône Alpes déclarait : « La France gagne quand elle est sur des positions résolument pro-européennes (…) ». C’est bien le même élu qui le 5 mai 2014 a scandé : « L’Europe ne marche plus (…) Trop de pays, une Europe qui ne protège pas. » Tout cela nous amène donc au constat amer que dresse Gilles Verdez dans son avant-propos : « Nous mentent-ils ? Pas tous, pas tout le temps, mais presque tous et trop souvent. » Un livre qui fait donc parfois froid dans le dos, qui dresse un panorama assez cynique de notre classe politique actuelle, et qui exhorte à de nouvelles pratiques … Sans doute à un vrai renouvellement. « Tous menteurs ? » est donc un essai assez brillant, indispensable pour se faire une opinion en pleine campagne présidentielle, signé par un auteur dont on ne parlait plus trop sur le terrain politique. Gilles Verdez n’est donc pas uniquement le provocateur numéro un de l’équipe du trublion médiatique Cyril Hanouna, il est bien resté un observateur attentif de la vie politique. Un homme qui a de multiples facettes … Assumées.

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